Reliquaire de la face de saint Jean Baptiste, œuvre de l'orfèvre Placide Poussièlgue-Rusand, 1876. © Hervé Lewandowski. Centre des monuments nationaux

Reliquaire de la face de saint Jean Baptiste

XIIIe siècle (?) pour le cristal de roche
1876 pour l’ensemble de l’orfèvrerie
Argent doré, émaux, pierres semi-précieuses montées en bâtes, cristal de roche
D : 33 cm
Œuvre de l’orfèvre Placide Poussièlgue-Rusand (1824-1889)
Classé au titre des Monuments historiques le 27 mars 1998
Propriété : État

La relique de la face de saint Jean Baptiste est présente dans la cathédrale d’Amiens depuis le 17 décembre 1206, date à laquelle le chanoine Walon de Sarton en fit don à l’évêque d’Amiens Richard de Gerberoy (évêque de 1204 à 1210). Il avait rapporté cette insigne relique, ainsi que des reliques de saint Georges, de Constantinople, ville tombée aux mains des croisés latins en 1204 lors de la quatrième croisade.

Cette relique fut, depuis le Moyen Âge, considérée comme la pièce la plus importante du trésor de la cathédrale : elle figure en tête de tous les inventaires et son reliquaire est décrit avec une précision toute relative. Le reliquaire actuel, réalisé en 1876 par l’orfèvre parisien Placide Poussielgue-Rusand (1824-1889), est composé d’un plat en argent doré sur lequel repose la relique, enchâssée dans un masque du même métal, masque et relique étant protégés par un cristal de roche taillé en cabochon. Des pierres semi-précieuses sont montées en bâtes sur le marli du plat, également orné de l’écu de France en émail. Un couvercle amovible, ou custode, en argent doré et émaillé permet de protéger le cristal.

Walon de Sarton découvrit la relique de la face de saint Jean dans l’église du monastère Saint-Georges des Manganes de Constantinople. S’étant débarrassé du reliquaire byzantin, il la rapporta aussitôt en Occident. Seul le masque en or émaillé enchâssant la relique, représentant saint Jean et le Christ, fut conservé par le religieux : désignant en lettres grecques « Saint Jean le Précurseur », il faisait fonction d’authentique. Un reliquaire en argent dut être réalisé peu après l’arrivée de la relique à Amiens. Il figure dans les inventaires de 1347 et de 1419. Un nouveau reliquaire, composé d’un plat en or massif pesant 18 marcs (4,405 kg), fut réalisé au XVe siècle : on ne sait s’il fut offert par Charles VI (roi de 1380 à 1422), par la reine Isabeau de Bavière (morte en 1435) ou par leur fils Charles VII (roi de 1422 à 1461) qui manifestaient tous trois une grande dévotion au Baptiste. Ce reliquaire médiéval fut fondu lors de la Révolution et seule la relique et le cristal de roche purent être sauvés par le maire d’Amiens Louis Alexandre Lescouvé (1734-1806). Une gravure publiée en 1665 nous renseigne heureusement sur ses dispositions. Celle-ci servit de modèle à Poussielgue-Rusand pour réaliser son reliquaire en 1876 ; il reproduisit sur émail le motif de la figure du saint précurseur et du Christ. Aujourd’hui seul le cristal de roche pourrait dater du XIIIe siècle ; rarissime exemple de la cristallerie médiévale, il fut certainement taillé dans un atelier parisien. Des pèlerins prestigieux offrirent des pierres précieuses pour orner le marli du plat : Saint Louis offrit une émeraude ; Louis XI, un rubis balais de couleur rose en 1475.

Durant tout le Moyen Âge et l’époque moderne, le reliquaire du chef de saint Jean était conservé sous bonne garde dans la trésorerie haute bâtie contre le bas-côté nord du chœur de la cathédrale. On y montait par un escalier de quarante-cinq marches. À la fin du XVe siècle, le reliquaire était disposé dans une grande châsse d’argent. Deux fois par an, le 24 juin (fête de la nativité de saint Jean) et le 29 août (fête de sa décollation), le reliquaire était conduit en procession jusqu’à la tribune de jubé où il était exposé à la vénération des fidèles au milieu d’un imposant luminaire. Exceptionnellement, la relique de la face de saint Jean était emmenée en procession avec les autres corps saints de la cathédrale pour conjurer les épidémies, comme lors de la peste de 1668. Cette année-là, François Faure (évêque de 1653 à 1687), évêque d’Amiens, fit le vœu, pour conjurer le fléau, de faire bâtir une nouvelle chapelle Saint-Jean dans la cathédrale. Quarante années plus tard, son successeur Pierre Sabatier (évêque de 1706 à 1733) accomplit le vœu et, à défaut de construire une nouvelle chapelle, fit transformer la chapelle Saint-Pierre qui devint la chapelle Saint-Jean-du-Vœu.

La relique elle-même est constituée de l’os de la face, depuis le maxillaire supérieur jusqu’au front. Les cavités des yeux et du nez sont bouchées par des pièces de cuir, le tout étant bloqué dans une épaisse masse de cire. Une incision est nettement visible au niveau du sinus gauche. La relique du crâne de saint Jean avait été apportée entière à Constantinople au IXe siècle, avant d’être partagée entre plusieurs églises de la ville à la fin du XIe siècle.

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