Les grandes fêtes de l’année liturgique se manifestaient à Amiens par des processions générales où étaient conviées, outre le clergé de la ville, les autorités civiles et la population. Ces processions générales pouvaient également être organisées lors d’événements particuliers comme pour conjurer une épidémie de peste, des calamités naturelles, ou des crises de subsistance. La procession générale suivait un parcours immuable : en sortant de la cathédrale par le grand portail, le cortège parcourait la rue Haute-Notre-Dame (Henri-IV), la rue Saint-Martin, la rue des Chaudronniers, la rue au Lin ; il faisait station à l’église Saint-Firmin-à-la-Porte (près des Sœurs-Grises) : les reliquaires, et en particulier la châsse de saint Firmin, étaient déposés sur la pierre Saint-Firmin, semblable à un autel, élevée près de l’église. Après avoir quitté le reposoir, la procession retournait à la cathédrale en suivant la rue des Sœurs-Grises, la rue Saint-Germain, la rue des Orfèvres et la rue Basse-Notre-Dame (André). La châsse de saint Firmin était portée par de jeunes bourgeois choisis par l’échevinage au sein des meilleures familles de la cité ; ils étaient vêtus de soie et portaient des couronnes de fleurs sur la tête. Cette coutume remontant au Moyen Âge fut probablement remise en cause par le chapitre cathédral qui dut s’émouvoir que les porteurs de la châsse ne fussent pas toujours irréprochables, préférant parfois les divertissements à l’honneur d’escorter les reliques du saint. Le présent acte, datant du 3 avril 1518, émane du bailliage d’Amiens comme le rappelle le sceau qui pend à un lien de parchemin. Il s’agit d’un certificat par devant le notaire royal de trois anciens mayeurs d’Amiens qui déclarent que, de tout temps, les jeunes bourgeois nommés par l’échevinage pour porter « la chasse et fierte en laquelle est enchassé et repose le corps du glorieux martyr monseigneur saint Fremin » le font avec la permission du doyen et du chapitre de la cathédrale, à qui seul ce droit appartient. L’acte, précieusement conservé dans les archives du chapitre, autorise ces mêmes bourgeois à rapporter le reliquaire après la procession, ceux-ci remerciant le chapitre de l’honneur qui leur est fait. De la même manière il appartenait aux boulangers et pâtissiers de porter la châsse de saint Honoré avec la même autorisation du chapitre.

Transcription

[Mention du XVIIIe siècle dans la marge gauche :]

Le 3 avril 1518. Acte de notoriété sur la permission de porter la châsse St Firmin.

A tous ceulx qui ces presentes lettres verront, Claude Daumal conseillier en la court du Roy nostre sire a Amiens, adpresent garde du seel royal de la baillie d’Amiens en ladicte ville et prevosté d’icelle estably pour sceller et confermer les contractz, convenences, marchiez, obligations et recongnoissances qui y sont faictes, passées et receues entre parties salut. Savoir faisons que, par devant Anthoine Le Galois et Jehan Le Riche, notaires du Roy nostre sire par luy mis et establys en la ville et baillie d’Amiens (#), sont comparus en leurs personnes sires Nicolas Fauvel, aagié de soixante trois ans, Richer de Saint Fuscien, aagié de soixante quatorze ans, et Jehan de Sesseval, aagié de soixante unze ans ou environ, maieurs de la ville et cité d’Amiens, chacun a son tour citoyens et bourgeois d’icelle, lesquelz et chacun d’eulz ont dict, actesté et certiffié pour verité que de tout le temps de leur congnoissance quant le cas s’est offert de porter en procession generale en quelque jour que ce ayt esté la chasse et fierte en laquelle est enchassé et reposé le corps du glorieux martyr monseigneur Saint Fremin, ladicte chasse et fierte a esté portée par les maieurs anthiens, prevost, officiers, eschevins et bourgeois de ladicte ville et ce par le congié, licence et permission de messieurs doien et chappitre de l’eglise Nostre Dame d’Amiens. Ausquelz doien et chappitre se sont tousjours baillié et baillent par escript les noms et surnoms des personnes par qui lesdictz mayeurs et eschevins deliberent de faire porter ladicte chasse affin de par iceulx de chappitre regarder et adviser se iceulx denomez sont personnes ydones et capables de le porter et avec ce promectre par lesdictz portans et aultres faisant pour eulx la requeste de rapporter et remectre ladicte chasse en la possession et seureté desdictz de chappitre et tousiours au retour de telle procession faicte et le corps saint remis au lieu la ou il a esté prins. Lesdictz portans se presentent a iceulx de chappitre et les remercient de ce qu’il a pleu bailler ladicte chasse et ainsy en ont veu faire et user lesdictz actestans. Et ne ont point veu ne sceu lesdictz actestans que par la licence ou ordonnance d’aultre que desdictz de chappitre ayt esté porté ladicte chasse en quelque procession qui se soit faicte par cy devant. Dont et desquelles choses Hector de Le Porte, procureur general desdictz doyen et chappitre, a requis lettres ausdictz notaires. Lesquelles ces presentes luy ont esté acordees pour leur valloir et servir en temps et en lieu ce que de raison. En tesmoing de ce nous avons mis a la rellation desdictz notaires ledict seel royal a cesdictes presentes qui furent faictes, passees et actestées a Amiens le IIIe jour d’avril l’an mil VC et dix huit aprez le cierge benit.

[au verso :]

1518. Certificat par devant nottaires des trois anciens maieurs de la ville qui declarent que de tout temps les nomez par les eschevins viennent au chapitre demander la permission de porter le corps de saint Firmin et promettent de le raporter après la procession et en remercient le chapitre a qui seul ce droit apartient.