Croix-reliquaire en argent dite du Paraclet, 1220. © Hervé Lewandowski. Centre des monuments nationaux

Croix-reliquaire du Paraclet

Vers 1220
Argent gravé, ciselé et doré, nielles, filigranes, gemmes, intailles antiques, émaux, cabochons de verre coloré, perles sur âme de chêne
H : 63 cm ; L : 43 cm ; P : 3,4 cm
Classée au titre des Monuments historiques le 25 février 1899
Propriété : État

Inscriptions
À l’avers : sur le titulus : « IHC : NAZAREN[US] » ; sous les pieds du Christ : « ADAN ».
Au revers, autour des médaillons :
(aigle) : « + DE COSTA S[AN]C[T]I NICASII : DE S[AN]C[T]O GEORGIO : S[ANCTE] ANNE : V[IRGINE] DE LINGO ».
(bœuf) : « + DE SEPULCRO : DOMINI : DE MONTE CALVARIE : DE COLUMPNA D[OMI]NI »
(lion) : « + NICOLAI EPISCOPI : LUCIANI :: M[ARTIRIS] : ANTONII ABATIS : AUGUSTINI : E[PISCO]PI : BLASII ».
(ange) : « + DE COSTA ANASTASIE / DE COSTIS ET OLSIBUS VIRGINUM UNDECIM MILLIUM ».
Sur les tranches des bras de la croix :
« + DE SEPULCRO BEATE MARIE : DE PULVERE BEATI JOHANNIS BAPTISTAE: / DE MIRRA DOMINI : DE SANCTIS APOSTOLIS : ANDREA : THOMA : BARTHOMEO : PHILIPPO : /
COSMA : MAURICIO : DIONISIO : BLASIO : JOHAMNE CRISOSTOMO : /
DE BRACHIO SANCTI MATHEI APOSTOLI : DE PERTICA FULCONIS : DE INNOCENTIBUS : /
DE SANCTI MARTYRIBUS : SIXTO : CLEMENTE : DE SA[N]CTA ELIZABETH : LAURENTIO : / STEPHANO : QUATUOR CORONATIS :
GRISOGONO : HONESTO : BONEFACIO : / DE SANCTI VIRGINIBUS CECILIA : NACUSA : /
MARGARETA : EMERENTIANA : RESTITUTA : /
JULIANO : MALACHIO : MARCELLO : MARCELLIANO : SEBASTIANO. PAULO : BARNABA : JACOBO MINORE : MARCO EVA[N]GELISTA / URBANO : ALEXANDRO : ALLEXI : ARSEVIO : NICHASIO : : EUSTACHIO : VINCENTIO : PRIMO ET FELICIANO ».

Pièce maîtresse du trésor, cette grande croix a probablement été créée pour abriter une relique de la Vraie Croix rapportée de Terre Sainte lors de la quatrième croisade par Enguerrand II de Boves. Elle aurait ensuite été donnée à l’abbaye du Paraclet qu’il avait fondée en 1219 pour établir ses deux filles, Marguerite qui fut la première abbesse et Élisabeth qui fut prieure. La présence de reliques de sainte Marguerite et sainte Élisabeth, mentionnée par les inscriptions niellées qui courent sur les tranches de la croix, pourrait justifier le don d’Enguerrand II à l’abbaye du Paraclet au moment de sa fondation, confirmant par là-même une exécution de la croix contemporaine de la fondation de l’abbaye. En 1648, la croix-reliquaire fut transférée à Amiens par les moniales au moment du transfert de leur couvent dans cette ville. Cachée à la Révolution, elle échappa aux fontes révolutionnaires passant dans les mains du curé de l’église Saint-Remi d’Amiens. Celui-ci la remit en 1824 à M. d’Ainval de Braches, neveu de la dernière abbesse du Paraclet. Ses héritières, Antoinette et Pauline de Braches, la donnent en 1858 à Mgr Boudinet (évêque d’Amiens de 1856 à 1873) pour le trésor de la cathédrale.
En forme de croix latine, elle est dépourvue de double traverse bien que les croix-reliquaires en plein essor à cette période possèdent pour la plupart une double traverse.
La croix-reliquaire d’Amiens est constituée de minces plaques d’argent, en partie dorées, appliquées sur âme de chêne. Le croisillon supérieur est légèrement plus long que les croisillons transversaux, avec un quatrefeuilles à chacune de ses extrémités. Richement ornée de nielles, de filigranes, d’intailles, de perles fines et de cabochons sur chaque face, il s’agit d’une pièce exceptionnelle par la qualité du travail d’orfèvrerie, par sa rareté et par son excellent état de conservation. Aucun ornement en saillie ne vient altérer la pureté des formes.
Son originalité tient notamment de son décor mixte filigrané et figuré. D’un côté, le Christ crucifié est gravé sur fond niellé de petites croix. Quoique simplement dessinée au trait, cette figure de Christ est d’une exécution saisissante. La tête, très inclinée à droite, dépourvue de couronne, est simplement nimbée. Le corps est déjà légèrement infléchi et n’a plus cette raideur caractéristique du XIIe siècle. Les pieds placés l’un sur l’autre sont tenus par un seul clou. Il n’y a pas de trace de plaie au côté. À ses pieds, un calice reçoit le sang s’écoulant des stigmates. Plus bas, Adam sortant de son tombeau lève les bras et les yeux vers le Sauveur. Son nom est d’ailleurs inscrit : ADAN.
Près de la main droite du Christ se trouve une petite porte niellée servant probablement à introduire des reliques et sur laquelle est dessinée une femme voilée que l’on suppose être la Sainte Vierge. Les traits de la figure sont presque effacés. Au-dessus du Christ se trouve une seconde forme carrée et niellée représentant un personnage à mi-corps, vêtu de la toge romaine, les deux mains levées, tenant dans l’une une croix, dans l’autre un disque ou un globe. Aux extrémités des croisillons figurent des quatrefeuilles comportant une décoration de filigranes et pierres gravées. Cinq médaillons niellés entrent dans la décoration du revers de la croix. L’un au centre représente l’Agneau divin portant la croix, les quatre autres aux extrémités des croisillons montrent le tétramorphe. Six cristaux oblongs laissent voir des reliques. Une longue inscription, dont les caractères sont niellés, court le long de la tranche de la croix : elle énumère toutes les reliques qui y sont renfermées.
Cette croix staurothèque (contenant un fragment de la Vraie Croix) ornée de filigranes perlés formant des volutes terminées par des rosettes ou des granulations et de niellés bleutés dans les fonds rappelle les croix provenant d’autres abbayes cisterciennes de Picardie, d’Artois ou de Champagne comme celles de Douchy, de Bonnefontaine et d’Haumont, et également celle antérieure provenant de l’abbaye bénédictine de Saint-Vincent de Laon et aujourd’hui conservée au Musée du Louvre.

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