Nous ne savons pas où fut conservée la relique depuis son arrivée jusqu’à la fin du XIIIe siècle. Après l’incendie de la cathédrale en 1218, l’évêque Evrard de Fouilloy souhaita élever au chef saint Jean un sanctuaire en rapport avec la piété du peuple et la dignité de la relique, la cathédrale devant être « la gigantesque châsse du Chef saint Jean, comme la Sainte-Chapelle de Paris a été le somptueux reliquaire de la couronne d’épines » (Abbé Jules Corblet, Hagiographie du diocèse d’Amiens, t. IV, 1874, p. 333). En 1220, l’architecte Robert de Luzarches jetait les fondements de l’édifice que nous admirons aujourd’hui.

La trésorerie haute

À la fin du XIIIe siècle, une trésorerie appelée trésorerie haute fut construite sur le flanc nord du chœur de la cathédrale pour permettre aux pèlerins de vénérer la précieuse relique. Elle est connue par une gravure de Scotin l’aîné (d’après un dessin de Saint-Marc) publiée en 1757 par le Père Daire. Malgré le peu de précision du dessin, nous pouvons distinguer que cette chapelle masquait entièrement les deux dernières travées du bas-côté nord du chœur de la cathédrale, ce qui avait pour résultat d’assombrir cette partie du chœur. Cette pénombre servit de prétexte à sa destruction en 1759. À l’extérieur, des traces aux fenêtres et aux contreforts des deux travées concernées rappellent l’emplacement de cette trésorerie. Dans le déambulatoire côté nord, on peut encore voir une porte surmontée d’un arc en anse de panier qui marquait l’entrée à la trésorerie.

Le chef de saint Jean était constamment conservé dans cette chapelle. Il y reposa durant cinq cents ans. Il n’en sortait qu’aux jours des trois fêtes de saint Jean ou dans des circonstances exceptionnelles.

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Flanc nord de la cathédrale d'Amiens. Gravure de Scotin, publiée en 1757 dans l’Histoire de la ville d’Amiens du Père Daire. © Aurélien André. Diocèse d'Amiens

Ancienne sacristie de la cathédrale d'Amiens. Dessin des Duthoit. © Musée de Picardie - MP Duthoit IV fol. 34

La chapelle Saint-Jean-du-Vœu

Le vœu de la ville d’Amiens

La peste de 1668 laissa un souvenir plus lugubre. La ville d’Amiens avait déjà été cruellement éprouvée par ce fléau, aussi dès que la peste fut à nouveau signalée, la terreur fut à son comble. Le mal s’accrut bientôt, le commerce s’arrêta, les travaux cessèrent. Amiens offrit pendant de longs mois un aspect de désolation. Voyant tous les efforts humains impuissants, les hommes se tournèrent vers Dieu. L’évêque François Faure avait ordonné des prières publiques dans les églises. Il exhortait ses ouailles à redoubler de ferveur. Cependant le fléau ne diminuait pas. L’évêque d’Amiens décida avec les membres du clergé et les échevins que la ville ferait vœu d’ériger dans la cathédrale une chapelle magnifique à saint Jean Baptiste. Le vœu serait offert solennellement le jour de la Toussaint. La procession du dimanche 4 novembre offrit un des plus imposants spectacles qui se puissent voir. Le clergé séculier et régulier se réunit à la cathédrale. Une foule immense, bénie par l’évêque, suivit la procession dans les rues.

La construction de la nouvelle chapelle

Le 10 juin 1669, l’évêque François Faure publia une lettre pastorale pour solliciter les offrandes des fidèles en faveur de l’érection de la chapelle mais les temps étaient durs, la misère grande. Le pieux évêque ne put voir s’accomplir la promesse qu’il avait faite. Son successeur ne parvint pas non plus à réaliser le vœu de 1668. Ce fut seulement plus de quarante après que Pierre Sabatier put entreprendre et achever la chapelle que nous contemplons encore aujourd’hui.

En 1709, il fut décidé que la chapelle Saint-Pierre changerait de vocable et qu’un autel serait réédifié et décoré. Vers la fin de l’année, on commença la démolition de l’autel de la chapelle Saint-Pierre. Un traité fut signé entre Jean Poultier, sculpteur du roi, et Malleroy, marbrier, qui s’engageaient à construire un nouvel autel sous la direction de l’architecte Gilles Oppenord. Les travaux débutèrent et on construisit la petite sacristie qui existe encore. Le 21 décembre 1711, Pierre Sabatier fit la consécration de l’autel et y dit la première messe.

L’autel de la chapelle

Sur deux piédestaux à droite et à gauche, deux statues en pierre de Tonnerre représentent saint Firmin le Martyr et saint François de Sales. Le retable est accompagné de pilastres et de deux colonnes en marbre. Les chapiteaux, d’ordre ionique, sont en plomb et en étain dorés, ainsi que les autres ornements tels les rinceaux. Un fronton circulaire accompagné de deux torchères supportées par des anges surmonte le tout. Dans le fronton, un bas-relief représente un ange tenant le glaive, instrument de la mort du Précurseur ; deux anges tiennent la palme et la couronne, attributs des martyrs. Une croix dorée termine le monument. Au-dessus de l’autel, une niche a été ménagée, destinée à recevoir le reliquaire du chef saint Jean. À cause de l’humidité, il n’y fut exposé que pendant l’octave de sa nativité. Le couvercle de cette niche forme un médaillon ovale en bronze doré représentant la tête de saint Jean posée sur un plat. Des anges assis sur des nuages entourent le tout.

L’autel primitif de Saint-Jean-du-Vœu était une œuvre remarquable du XVIIIe siècle, empreinte de grâce et d’équilibre, aux lignes sinueuses caractéristiques du style rocaille. Il fut remplacé par un autel néoclassique en 1780. En 1714, on inséra dans le retable un tableau de Claude-Guy Hallé (1651-1736) représentant le Baptême du Christ. En 1780, l’humidité l’avait tellement détérioré qu’il fut remplacé par le grand bas-relief que l’on peut encore voir aujourd’hui. L’œuvre du sculpteur Carpentier est une représentation symbolique du Vœu de la ville d’Amiens.

La chapelle Saint-Jean-du-Vœu dans la cathédrale d'Amiens. ©  Éric Savalle. Conseil départemental de la Somme. CAOA80

Déplacement du chef de saint Jean Baptiste

Malgré la construction de la nouvelle chapelle, la relique resta conservée dans la trésorerie. Le culte de saint Jean Baptiste allait subir plusieurs modifications. Mgr de La Motte fit détruire en 1755 le jubé de la cathédrale pour dégager et élargir l’entrée du chœur. À partir de cette époque, la montre du chef se fit sur le perron du chœur. En 1759, la trésorerie fut également démolie sous prétexte d’éclairer davantage cette partie de la cathédrale. Elle fit place à une sacristie qui sera détruite par la suite. Le 2 avril 1759, le chef de saint Jean Baptiste quitta donc la trésorerie qui l’abritait depuis plus de cinq cents ans pour être déposée dans la chapelle Saint-Jean-du-Vœu. Elle fut selon toute vraisemblance conservée dans l’armoire de la sacristie de cette chapelle.