Le 6 février 1690, depuis Versailles, le roi adressait à Henri Feydeau de Brou, évêque nommé d’Amiens, une lettre de cachet lui demandant de faire l’inventaire de l’argenterie des églises de son diocèse. Pour faire face à la guerre de la ligue d’Augsbourg (1688-1697) qui opposait la France à une coalition européenne, Louis XIV fit fondre le mobilier d’argent de Versailles en décembre 1689. Dans les mois qui suivirent il écrivit aux évêques de son royaume pour leur demander de participer à l’effort de guerre en envoyant à la fonte une partie de leurs trésors d’argenterie. La lettre du roi prend le soin de préciser que l’on épargnera les vases sacrés (calices, patènes, ciboires et ostensoirs) et que seul le superflu serait envoyé au creuset. Les églises se verraient d’ailleurs indemnisées pour les objets qu’elles auraient envoyés dans les différentes monnaies du roi. La lettre du roi a été dûment enregistrée dans le registre des délibérations capitulaires lors du chapitre du 17 février 1690.

Transcription

« Lettre du Roy pour faire un état de l’argenterie de l’église

Monsieur l’abbé de Brou, vous avez veu par mon édict du mois de décembre dernier ce que j’ai crû devoir faire pour empécher que les espèces d’or et d’argent ne continuent à sortir de mon Royaume et je ne doute pas que vous n’aiez appris que pour remplacer en partie celles qui en sont sorties pendant les années précédentes [p. 140], j’ai avec plaisir envoyé à la Monnoye les meubles d’argent que j’avois dans mes appartemens et comme jai esté informé qu’il y a beaucoup d’argenterie dans les églises, au-delà de celle qui est nécessaire pour la décence du service divin, dont la valeur estant remise dans le commerce apporteroit un grand avantage à mes sujez, je vous fais cette lettre pour vous exhorter à examiner ce qu’il y a d’argenterie dans chaque église du diocèse d’Amiens, ce que vous croirez qu’il sera à propos d’y en laisser, outre les vases sacrés auxquels il ne faut point toucher, et ce que l’on en pourra refondre, vous asseurant que vous ferez chose qui me sera fort agréable et fort utile au bien de mon Etat d’ordonner qu’elle soit portée dans mes monnoyes pour estre converties en espèces d’or et d’argent, la valeur en estre payée comptant sur le pied porté par ma déclaration du quatroze décembre dernier à ce qu’il y apporteront et ce qui proviendra de ladite argenterie superflue estre ensuite employée au profit des églises à qui ladite argenterie appartenoit par le soins de ceux qui sont chargés de leur administration. Sur ce je prie Dieu qu’il vous ai, Monsieur l’abbé de Brou, en sa sainte garde. Ecrit à Versailles le VIe jour de febvrier 1690, signé Louis et plus bas Phelipeaux et scellé et au dos est écrit à Mr l’abbé de Brou nommé à l’Evéché d’Amiens. »