Le 16 juin 1737, le pape Clément XII canonisait à Rome Vincent de Paul (1581-1660), fondateur de la Congrégation de la Mission (Lazaristes) et des Filles de la Charité. Le retentissement de cette canonisation fut des plus importants dans les églises du royaume de France. À Amiens, Mgr de la Motte (évêque de 1734 à 1774) célébra l’année suivante, les 9 et 10 décembre 1738, dans sa cathédrale des cérémonies avec la plus grande solennité pour honorer le nouveau saint. Deux mois plus tard, en remerciement de ce fait, le supérieur de la Congrégation de la Mission, l’abbé Jean Couty, faisait don au chapitre de la cathédrale d’une petite châsse en argent contenant des reliques de leur saint fondateur. Cet insigne honneur s’explique également par le fait que c’est à Folleville, dans le diocèse d’Amiens, que Monsieur Vincent avait prononcé sa première mission en 1617.

L’envoi des reliques était, comme il se doit, accompagné d’un acte authentique scellé par les autorités ecclésiastiques, attestant de l’authenticité des reliques et autorisant leur exposition afin qu’elles soient vénérées par les fidèles.

À l’instar de la quasi-totalité du trésor, le reliquaire en argent fut très probablement fondu lors de la Révolution.

Transcription

De Paris le 15. février 1739.

Voicy les reliques de saint Vincent de Paul, que la reconnoissance des honneurs religieux que vous lui avez rendus, en solemnisant avec tant de magnificence la fête de sa canonisation, m’a fait vous promettre. J’ay l’honneur de vous présenter avec beaucoup de plaisir, et avec les sentiments les plus respectueux, bien persuadé du prix que votre piété vous en fait faire, et que vous les recevrez avec cette bienveillance et cette bonté que vous avez euës jusqu’icy pour la Congrégation que ce grand serviteur de Dieu a instituée. Ces reliques sont décemment enchassées, l’os est petit, mais il est sain, et suffisamment remarquable : c’est la plus considérable de toutes les reliques qui me restoient. J’y ai joint une médaille des chairs et des os du saint ; relique non moins précieuse, puisque dans l’union de ces chairs et de ces os, il n’est entré qu’un peu d’huile la plus pure. Ma consolation est très-grande de voir une église aussi illustre que celle d’Amiens témoigner tant de dévotion envers notre saint instituteur. C’est un nouveau et puissant motif pour ses enfans de se dévouër sans réserve au service du diocèse, à la formation des ecclésiastiques qui en font la plus noble portion, et à la sanctification des peuples qui furent le premier sujet de la tendre charité de Vincent. A ces sentimens du dévouëment le plus sincère, qui se perpétueront d’âge en âge dans notre Congrégation nous ajoûterons aussi ceux de la plus vive reconnoissance, et du très-profond respect avec lequel j’ai l’honneur d’être, Messieurs,

Votre très-humble et très-obéïssant serviteur

Couty,

Indigne prêtre de la Congrégation de la Mission

Adressé à MM. Les vénérables Doyens, Chanoines et Chapitre de l’Eglise d’Amiens

À la suite est rédigé en latin l’authentique des reliques de saint Vincent de Paul

Traduction

Jean Couty, supérieur général de la Congrégation de la Mission, atteste que des sacrées reliques du bienheureux Vincent de Paul, fondateur de la Congrégation de la Mission et des Filles de la Charité, conservées religieusement dans la maison Saint-Lazare de Paris, on a extrait un petit os dudit bienheureux, ainsi qu’une médaille mêlant des os et des chairs du même unis avec de la cire, et inserrés dans un petit disque d’argent, lesquelles reliques ont été disposées dans une châsse quadrangulaire en argent d’une hauteur de 5 pouces, d’une longueur de 5 pouces et d’une largeur de 3 pouces, édicule garni de trois lames de cristal en partie inférieure et orné de quatre en partie supérieure, surmonté d’une croix, bien fermé et lié par un lien de soie de couleur rouge et munie du sceau de l’Illustrissime et Révérendissime Monseigneur l’archevêque. Ces reliques sont données aux vénérables Messieurs le doyen, chanoines et chapitre de l’insigne Eglise d’Amiens afin qu’elles soient exposées à la vénération des fidèles. Fait à Paris le 15 février 1739. L’authentique est scellé du sceau de cire rouge de l’archevêque de Paris Charles Gaspard Guillaume de Vintimille du Luc. Dans un acte rédigé en latin à la suite, le 25 février 1739, Louis François Gabriel d’Orléans de la Motte, évêque d’Amiens, fait savoir… qu’il autorise la vénération des reliques de saint Vincent de Paul, munies de l’authentique signé de l’archevêque de Paris, dans son église cathédrale.